De plus en plus plébiscités par les entreprises, les chargés de recouvrement de créances voient leur fonction progresser, avec une professionnalisation de cette tâche. Travaillant étroitement avec les directions opérationnelles, ils sont très attendus sur leur savoir être et leur capacité à accélérer les rentrées de cash tout en préservant la relation client.
Alors que les directions financières devront une nouvelle fois, en 2024, faire face à des environnements mouvants, sur les plans économiques, réglementaires ou technologiques, la gestion du cash reste leur priorité numéro un (« Priorités 2024 des Directions financières », PwC/DFCG). Certes, pour relever ces défis, il leur faudra développer l’agilité dans les processus et dans les prévisions de cash et innover grâce aux nouvelles technologies. Cependant, pour accélérer leur rentrée de cash et renforcer leur vigilance face au risque client, elles tendent également et de plus en plus à recruter des experts sur le sujet. « Nous enregistrons une augmentation de la demande des entreprises pour des chargés de recouvrement, en particulier depuis le milieu de l’année 2023, constate Bastien Auvray, responsable de division expert en recrutement en finance & comptabilité chez Hays. Cette tendance est d’ailleurs concomitante avec la résurgence des risques de défaillances. Les entreprises entendent limiter autant que possible les défauts de paiement de leurs clients tout en préservant leur propre trésorerie. Si pour réduire leur taux de retard de paiement certaines externalisent la gestion du recouvrement de créances, d’autres préfèrent désormais structurer les opérations de relance en interne en recrutant des personnes formées au métier. »
«Nous enregistrons une augmentation de la demande des entreprises pour des chargés de recouvrement, en particulier depuis le milieu de l’année 2023.»
Bastien Auvray
responsable de division expert en recrutement en finance & comptabilité , Hays
Un constat d’ailleurs aussi relevé par l’Association française des credit managers & conseils (AFDCC) qui est actuellement le seul organisme à dispenser une formation à ce métier certifiée niveau 5 au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). « Nous organisons chaque année deux sessions de formation en alternance ou en VAE et qui accueillent jusqu’à 20 apprenants chacune, précise Grégory Fillard, ingénieur pédagogique au sein de l’Association française des credit managers & conseils (AFDCC). Au regard de la demande actuelle des entreprises pour prendre ses étudiants en alternance, nous envisageons d’augmenter de moitié le nombre d’étudiants en formation et d’ouvrir des sessions en province dès cette année. »
S’il était auparavant confié à des personnes dont ce n’était pas toujours le métier et en particulier à la comptabilité client, le recouvrement de créances devient ainsi et de plus en plus une fonction à part entière dans les entreprises, souvent placé sous la direction du credit manager, du responsable comptabilité, de la direction financière ou encore, dans les plus petites entreprises, de la direction générale. Principal corollaire de cette tendance, les chargés de recouvrement de créances se voient confier des missions de plus en plus valorisantes.
Une compréhension des enjeux du client et de l’entreprise
En effet, ce métier ne consiste plus uniquement à effectuer des relances téléphoniques amiables ou judiciaires, il s’agit dorénavant de participer activement à la préparation de ces démarches. « Désormais, le chargé de recouvrement de créances doit savoir appréhender dans son ensemble le business et comprendre les enjeux du client et ceux de l’entreprise dans laquelle il opère, en recherchant les meilleures voies de recouvrement acceptables par toutes les parties », explique Nathalie Ache, crédit manager chez SGS et adhérente de l’AFDCC. A cet effet, il collecte des informations comptables et financières du client, les analyse et met à jour la base de données client interne. Il lui revient également de suivre l’évolution des comptes clients, de limiter les retards de paiement par son travail de prérelance puis de relance client. Il a également pour rôle de négocier les promesses de paiement et de préparer les actions de recouvrement contentieuses et les injonctions de payer.
«Les chargés de recouvrement de créances travaillent désormais de façon participative et collaborative avec les différents acteurs de l’entreprise et parfois à l’extérieur de l’entreprise avec les cabinets de recouvrement de créances en charge de certains dossiers.»
Nathalie Ache
credit manager , SGS
Dans le cadre de sa fonction, le chargé de recouvrement de créance est amené à travailler avec différents services de l’entreprise (direction financière, comptabilité client, administration des ventes, service juridique) mais également avec des prestataires externes (sociétés d’informations financières et commerciales sur les entreprises, sociétés de recouvrement de créances). « Le chargé de recouvrement en entreprise dans une organisation B2B est ainsi devenu un réel business partner des opérationnels en administration des ventes et de la direction commerciale, précise Nathalie Ache. Il participe activement à la connaissance clients et pilote la gestion des impayés quels qu’en soient les motifs et ce, aussi bien pour les clients “VIP” ou les middle customers que pour les clients dont les créances sont plus faibles. » Le suivi propre aux clients les plus importants de l’entreprise conduit en effet le chargé de recouvrement de créances à organiser des échanges réguliers avec les clients et les opérationnels des services administratifs et facturation de son entreprise. « Il pilote le suivi des réunions qu’il déclenche en collaboration avec les opérationnels, ajoute Nathalie Ache. Il doit à ce titre savoir distinguer les responsabilités imputables aux clients, de celles à rechercher au sein de l’entreprise, notamment en cas de litige. »
Une agilité et une pugnacité de rigueur
Pour remplir ces différentes missions, encaisser les créances dues dans les meilleurs délais tout en préservant la relation clients, le chargé de recouvrement de créances doit savoir faire preuve d’agilité et d’adaptabilité. « Leur savoir être est un prérequis indispensable, souligne Bastien Auvray. Le chargé de recouvrement doit être un bon communicant et oser aller chercher l’argent auprès des créanciers. Il doit être capable de faire des relances avec diplomatie et faire preuve de pugnacité pour arriver à ses fins. » Il est ainsi important que le candidat montre sa réelle motivation à la fonction. « C’est un métier sous pression sur les objectifs donnés mais pas seulement car le collaborateur doit travailler dans la qualité de la relation avec le client et les opérationnels, ajoute Nathalie Ache. L’écoute et la communication externe et interne sont essentielles pour évoluer dans sa fonction. » Le chargé de recouvrement de créances est également de plus en plus attendu sur ses compétences métiers. Il doit notamment avoir un minimum de compétences dans la finance (prévention et analyse du risque client) et dans le juridique (créances civiles et commerciales). « Il est par exemple important qu’il sache détecter des anomalies dans le bilan d’une entreprise, lire une balance âgée, déterminer une ligne de crédit ou encore qu’il connaisse la réglementation en matière de délais de paiement ainsi que les procédures judiciaires liées au recouvrement en contentieux ou judiciaire », indique pour sa part Grégory Fillard. Alors que le chargé de recouvrement de créances peut être amené à élaborer des reportings de suivi de gestion des impayés et des analyses sur la santé financière des entreprises, la maîtrise des outils de bases de données d’informations financières et commerciales mais aussi d’Excel est souvent incontournable.
Des profils de candidats très divers
Pour pallier le manque de formations à proprement parler sur le métier (elles sont quasi inexistantes, hormis celle proposée par l’AFDCC), les recruteurs ciblent par exemple des candidats diplômés d’un master 1 ou 2 en comptabilité ou en comptabilité contrôle et audit (CCA) ayant une première expérience dans les entreprises du BTP ou du négoce. « Dans ces secteurs, la fonction de chargé de recouvrement de créances est en effet prise très au sérieux », constate Bastien Auvray. Enfin, si les niveaux de rémunération des chargés de recouvrement sont très inégaux en fonction des entreprises (entre 28 et 40 000 euros/an), la profession offre néanmoins des perspectives d’évolution attractives vers des postes d’analyses crédits, credit managers ou encore directeurs du crédit.
« Il faut trouver le juste équilibre entre la bienveillance et la fermeté »
Questions à Céline Cerruti, chargée de recouvrement de créances dans une entreprise du secteur industriel
Qu’est-ce qui rend le métier de chargé de recouvrement attractif ?
Le chargé de recouvrement de créances a parfois mauvaise presse. Pourtant, nous sommes un rouage essentiel de la satisfaction et de la fidélisation des clients de l’entreprise pour laquelle nous travaillons. La relation client est au cœur de notre métier. Si nous avons pour vocation de recouvrer des factures en retard de paiement ou impayées, il nous revient donc de le faire en bonne intelligence en restant à l’écoute de nos clients afin de préserver notre relation commerciale et d’éviter la récidive. Pour autant, nous devons aussi être suffisamment tenaces et convaincants pour arriver à nos fins. . A cet effet, nous devons bien comprendre les raisons du retard de paiement mais aussi être en mesure d’analyser préalablement la santé financière de l’entreprise. Cette démarche nous amène à travailler avec de nombreux interlocuteurs dans et hors de l’entreprise.
Quels sont ces interlocuteurs ?
Pour réaliser nos analyses financières, nous nous appuyons sur les données de prestataires externes et en particulier les sociétés d’information d’entreprises et nos assureurs crédits mais également sur les informations terrains que nous remontent nos commerciaux ou l’administration des ventes. Pour les créances contentieuses, nous travaillons également avec notre service juridique. D’autre part, nous avons également pour vocation de sensibiliser les commerciaux sur le sujet, de les tenir informés sur les clients en retard ou en défaut de paiement.